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Olivier de Magny parle de Mellin de Saint-Gelais dans ses Amours (1553)

Dernière mise à jour : 1er janvier 2025

Olivier de Magny, Les Amours d’Olivier de Magny, et quelques odes de luy. Ensemble un recueil d’aucunes oeuvres de M. Salel, abbé de Saint-Chéron, non encore veues, 1553.

En deux occurrences au moins, Olivier de Magny évoque la figure de Mellin de Saint-Gelais dans ce recueil. On notera qu’il veille à ce que le nom de ce poète soit mêlé à ceux de la nouvelle génération.

Plan de la page 
  1. Épître en prose “A Monseigneur de Saint-Cheron et de Saint-Sanson, conseiller et aumosnier ordinaire de la Royne”
  2. “Au seigneur Pierre de Paschal”


Épître en prose “A Monseigneur de Saint-Cheron et de Saint-Sanson, conseiller et aumosnier ordinaire de la Royne”

Dans cette pièce liminaire, Magny utilise le topos du poète modeste, n’osant présenter son recueil que sous l’égide d’amis qui ont préalablement reconnu la valeur de ses vers. C’est ainsi qu’il affirme qu’il n’aurait pas osé mettre en lumière son travail

[…] sans le bon visage que ce livre a receu de Messieurs de Ronsard, Daurat, Muret, Saingelais, Jodelle, Baïf, et Denisot, personnages qui vous sont assez cogneuz, sans que je vous tienne plus long propos de leurs excellances […].

Dans cette liste imposante de sept noms, on remarque que tous les garants mis en avant par Magny appartiennent à la Pléiade, à part Saint-Gelais, placé au centre de cette constellation. 


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“Au seigneur Pierre de Paschal”.

Dans cette pièce qui évoque notamment des figures importantes dans le parcours de Magny – Hugues Salel, “le Quercynois Homere” (v. 66) ou encore Pierre de Ronsard, “nostre Pindare” (v.80) – comme dans celui de son destinataire, Pierre Paschal – cf. Michel Pierre de Mauleon Durban (v. 121) -, le poète imagine que Saint-Gelais, incarnant ici la figure du poète de cour du règne de Henri II, se penche avec intérêt sur les travaux de Paschal (v. 96-104). Rappelons qu’il fut reproché à Paschal aussi bien qu’à Saint-Gelais de ne pas faire imprimer leurs œuvres.

Celuy qui les nefz inventa,

Pour voyager dessus les ondes,

Craintif, aussitost ne tenta

Les fiers boillons des plus profondes :

Ains seulement dessus les bordz

Marchoit plus seur d’un grand courage,

Ignorant encor’ les effortz

Et le brave orgueil de l’orage.

Ores, du choc de l’aviron

Sollicitoit les rives basses,

Ores, il sondoit l’environ

Et l’horreur des plus creuses places,

Ores, hardy s’aventuroit

Sur le plus vif de l’eau roulante,

Or’, tout enflé se retiroit

Acrochant sa Barque coulante.

En fin l’audace qui l’eprit

L’enflammant d’un feu non domtable,

Luy fit resouldre en son esprit

Une entreprinse emerveillable,

Il arresta d’aller froisser

Les perilz, rongeans les timides,

Et courageux de traverser

L’ample des campaignes humides.

La fierté du temps froidureux,

Ne des vents la rage effrenée,

La fureur des flotz sonoreux,

Ne la tempeste ramenée,

Les froidz aiguillons de la peur,

Ne la fortune injurieuse,

Ne peurent briser en son cueur

Ceste superbe audacieuse.

Ains mettant ses desseings à chef,

Il franchit de course fournie,

Assiz sur le sein de sa nef,

L’Egæe mer, et l’Ionie :

Domtant en fin tous les yvers,

Les gouffres, les ventz, le naufrage,

Et faisant bruyre en l’univers

L’invention du navigage.

Dès que le Chœur des doctes Seurs,

Race des Dieux, et de Memoire,

M’affriandant de ses douceurs,

M’eut de ses eaux offert à boire,

Pauvre et craintif je ne tantay

Le gué profond des choses graves,

Ains seulement me contentay

D’environner leurs vertuz braves.

Puis empannant mes petitz vers

D’une esle vaguement legere,

Je trassay des sentiers divers

Pour atteindre la Messagere :

Je comblay le bruyt de sa voix

Des nombres sacrez de ma flame,

Des maulx et des biens que j’avois

Par les feuz jumeaux de ma Dame.

Tantôt heureux en mes amours,

Et tantôt servant miserable,

Tantôt confuz en mes discours,

J’entonnois un chant agreable,

Mais depuis que mes fredons bas

Eurent haussé leur resonnance,

Je hastay le train de mes pas

Pour ravir plus grande excellance.

Je couru hautain publier

L’honneur du Quercinois Homere,

Et aux chastes seurs m’alier,

Qui jadis nasquirent sans mere :

Je couru devancer le temps

Qui m’aguignoit de ses traverses,

Epanissant sur mon printemps

Cent mile fleurettes diverses.

Et non content d’avoir guidé

Ma navire en mer si profonde,

Je galopay tout debridé

Pour voir la lumiere du monde :

Je dressay mon vol jusqu’aux cieux,

Au sein du tresor le plus rare,

Acostant trop audacieux,

Les Graces de nostre Pindare.

Mais ores, que le ciel benin

M’a fait tant d’heur de te conoistre,

Emplumant l’honneur du venin

Qu’enchanté je faiz aparoistre,

Divin Paschal, je veux tenter

L’abisme de tes vertuz saintes,

Et tes grands merites vanter,

Par l’immortel de mes ateintes.

Jà desjà je voy ce grand Roy,

Ce grand HENRI Dieu de la France

S’apprivoysant dessouz la loy

De tes escritz pleins d’excellance,

Je voy comme beant il fait

Jugement sain de ta doctrine,

Et comme il estime parfait

L’enfantement de ta poitrine.

Je voy le mignon d’Apollin,

Celuy qui repaist son oreille

Le grave-doux, savant Mellin

Tout ravy de ceste merveille,

Je voy son esprit et ses yeux

Fichez d’un travail qui recrée

Sur le distillant gracieux

De ta langue docte-sucrée.

Ne celuy là qui begueyoit

Aux premiers ans de sa jeunesse,

Et dont la louange bruyoit

Sur les mieux disans de la Grece,

Ne l’Arpin, par toy renaissant,

N’ont gaigné le pris qui s’apreste,

Et le saint honneur verdissant

Qui te vient couronner la teste.

Je voy l’un desjà tournoyer

Ton front et ta perruque molle,

Et l’autre ce semble ondoyer

Sur les tresors de ta parolle,

J’oy desjà tonner ton renom

Outre la Tane si lointaine,

Et voy eternizé ton nom

D’une immortalité certaine.

Je voy ton Durban studieux,

L’autre miracle de nostre aage,

Abandonner le sein des Dieux

Pour admirer ton doulx langage,

Je vous voy tous deux assemblez,

Je le voy desjà qui t’acolle,

Je vous voy tous deux acouplez,

Je le voy comme il s’en revolle.

Je voy Garonne desborder,

Orgueilleuse de sa victoire,

Et avec Tholose accorder

L’hinne consacré de ta gloire :

Je voy encor les Seurs au bal,

Mignardans un chant delectable,

Qui ne resonne que Paschal,

Leur cher Paschal inimitable.

Puissé-je voir ainsi mes feuz

Rayonnez d’une clairté telle

Qu’ils soient de tous, et tousjours veuz

Parmy la terre universelle :

Puissent les traitz de mon soucy

Fraper le cueur de ma guerriere,

Puisse mon nom estre esclarcy

Des raiz brillans de ta lumiere.

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OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
Claire Sicard (1 mai 2013). Olivier de Magny parle de Mellin de Saint-Gelais dans ses Amours (1553). Demêler Mellin de Saint-Gelais. Consulté le 18 avril 2025 à l’adresse https://doi.org/10.58079/niio