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Michel d’Amboise loue Mellin parmi les grands poètes de son temps (1536)

[Dernière mise à jour : 12 octobre 2024]

Dans sa Deploration de la mort de Françoys de Valoys (v. 223-297), Michel d’Amboise établit une liste des poètes de son temps capables d’immortaliser le défunt. Saint-Gelais figure parmi eux et Michel d’Amboise l’invite à contribuer à la célébration du dauphin (v. 223-297). Sans forcément répondre à l’injonction spécifique d’Amboise, dont il n’est pas sûr qu’il ait connu le texte, Mellin répond pourtant à son attente, puisqu’il donne effectivement trois épitaphes dans le recueil collectif lyonnais publié chez Dolet pour la circonstance.


Deploration de la mort de Françoys de Valoys jadis daulphin de France, premier filz du Roy, avecques deux Dizains dudict seigneur par l’esclave fortuné.

[…] Maulgré la mort sempiternellement
Il vivra, maulgré tout element
Maulgré envie

Tousjours aura en cestuy monde vie
Combien que soit du corps l’ame ravye
Jamais mourir

Il ne pourra, ains verra on fleurir
De plus en plus ses vertus, sans perir
En maint beau livre,

En mainte pierre, en maint tableau de cuyvre
Où maintz beaux vers on verra s’entresuyvre
Tout à son nom.

Qui les fera ? Poetes de renom
Bons orateurs. Nul ne dira de nom,
Tous se mettront

À composer, et leurs mains s’esbatront
À faire traitz. Desquelz ilz remettront
Ce Prince beau

Or trespassé en ung vivre nouveau
Et luy donrra on couronne ou chappeau
Plus que Royal

Vers qui honneur sera tousjours loyal,
Loz vertueux eternel, et feal,
Peu sont de telz

Les fleurs seront de boutons immortelz
Combien que soyent dispousés par mortelz
En ce bel ordre

Où ne pourra le temps mettre desordre
Et où la mort ne pourra jamais mordre
Quoy qu’elle face.

Helas mon dieu donne moy ceste grace
Que quelques fleurs de mon jardin j’amasse
Pour y adjoingdre

Pour vray mes fleurs pourroient son honneur poindre
Beaucoup plus tost qu’aucune odeur luy joindre
Tant sont agrestes

Il fault avoir de ces Roses celestes
Dont Macrinus a fait de si beaulx Textes
De ces beaux vers

Desquelz Dolet a fait livres divers
Qui maintenant sont prisez, et ouvers
En mainte escole,

Desquelz Borbon parmy le monde volle
Desquelz Marot en françoyse parolle
Est extimé,

Desquelz aussi Bouchet est renommé
Chapuy, Brodeau, et ung aultre nommé
De sainct Gelais,

Duquel escript n’a besoing de balais,
Car il est net, et sans aulcuns traiz lais
Et sans ordure.

Je ne voy point maintenant escripture
(Mis hors Marot) qui ayt telle ornature
De Rhetorique

Comme la sienne. Ô esprit deifique
Las vittement prends ta pleume, et t’aplicque
À composer

Et ce Daulphin priser, et allouser
Sur qui la mort a bien ozé pouser
Sa main mortelle.

Et vous aussi, qui avez plume telle
Ne chomez point : ains de voz Roses belles
Faictes couronne

Qui à jamais ce beau chief environne,
Qui à jamais bruyt, et louenge donne
À ce beau corps

Qui fut si beau si j’en suis bien records
De telle grace et dedans, et dehors
Qu’il sembloit bien

Estre plustost divin, que terrien,
Car il n’avoit faulte, ou besoing de rien
Qu’on puisse avoir

Pour corps humain divinement pourveoir :
Assez de gens peuvent cecy sçavoir
Qui tel l’ont veu. […]


OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
Claire Sicard (12 octobre 2024). Michel d’Amboise loue Mellin parmi les grands poètes de son temps (1536). Demêler Mellin de Saint-Gelais. Consulté le 18 avril 2025 à l’adresse https://doi.org/10.58079/12gi8